VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


dimanche 12 octobre 2008

ÉLÉPHANTIASIS

J'ai beau retourné mon atlas dans tous les sens, le découpage du continent africain ne laisse pas de me donner le tournis. Ces tracés insensés à la règle militaire effaçant des cartes anciennes non-écrites, coupant des peuples en deux, trois ou quatre zones forcloses, enjambant des sanctuaires, des lois tribales, des aires de pèches et de chasses traditionnelles, des bois sacrés, ou des cimetières… Oui ! mal au ventre. J'aimerais pouvoir me contenter d'une licence poétique et conclure que, décidément, il y a comme le profil d'une tête d'éléphant gisant dans la forme monobossue de sa morphologie. Mais aussitôt je dérive à l'Est en songeant à l'Inde — où d'autres éléphants geignent, des semblables, des frères, des esclaves enchaînés au fin fond des forêts —, et que naguère l'on appelait LES INDES, au temps maudit des colonies. Inde multiple mais unie dans la révolte, qui pour solde de tout compte a surgi en une seule et même nation ; état démocratique et fédéral. L'Afrique elle, est et demeurera plurielle. Mais nous continuons de dire l'Afrique, comme l'on disait jadis le Pont Euxin ou l'Arabie heureuse ! Ce ne serait guère important si l'on ne disait pas les Africains comme l'on dit les Arabes ; ou pire la rue arabe, que sais-je encore ? S'il est vrai, prouvé, prouvable au quotidien que les Français sont nuls et non avenus en géographie — jusques et y compris la leur — c'est aussi parce qu'ils manquent de nuance. Nous manquons singulièrement de ce réflexe démocratique, qui sépare les choses pour mieux les appréhender, mieux les comprendre c'est-à-dire les prendre en compte. L'Afrique est certes un continent, mais c'est un continent inconnu pour la plupart d'entre nous. Un continent noir, au sens psychologique du terme. Et voilà pourquoi mon "idée" de profil éléphantesque était une connerie. Et voilà pourquoi je reprendrai l'affaire avec plus de nuance, et moins de bêtise consubstantielle à mon état-civil !