VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


dimanche 5 octobre 2008

LA MORT DE LA MER












(image d'Emmanuel Georges)
Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune. Arrivé tard sur la plage, l'homme s'est endormi dans la paume tiède du dernier rayon de soleil. À son réveil, elle est calme. Ses vagues ondulent et se gomment l’une l’autre. Il remarque ici ou là, dans tout ce sombre abrutissant — ce bleu céleste sans ciel —, que les vagues se lèvent de plus en plus abruptes qui entaillent jusqu'au ciel. De temps en temps, d’espace en espace et du plus profond de son rythme alphabétique, l'une de ces larges lames vient éclater sur la grève en effondrant ses reflets métalliques chapardés à travers une carrière hauturière.
Il fait presque nuit. Recrachant brusquement ici, une humeur virulente contractée au-delà de l'horizon, c’est enfin le vent du large qui donne de la voix, et semble pousser la mécanique maritime dans ses tous derniers retranchements. Le paysage entier s'emballe comme une horde de chevaux sauvages. Sorties par dizaines du sable crépusculaire, les puces de mer font onduler la plage comme un cadavre aux prises avec la succession des mouches et des vers multicolores. L’imitation est parfaite. Le corps tendu de la grève se fait chahuté de l'intérieur et de l'extérieur. Son agonie parait aussi violente que douloureuse. La mer rappelle la mer. Et sa mort est éternelle.