VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


jeudi 11 septembre 2008

MER CHIMÈRE












(image d'Emmanuel Georges)
Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune, et la surface de l'eau son pelage animal, sa peau de poisson aux écailles célestes qui n'est que la surface des choses, la couche supérieure et apparente qui dérobe la réalité, déborde les mystères maritimes et dévore les êtres de manière insondable par à-coups d'abîmes transversaux qui avancent et reculent selon une rythmique de chant préhistorique et sous-marin, swinguant parmi les squales gris les mammifères bleus et les monstres noirs des grandes profondeurs ; mais aussi parmi les coques rouillées les mâtures brisées les trésors oubliés et les squelettes de marins de toutes les nationalités, enchevêtrés et ondoyant sous le roulement permanent et euphorique des sources horizontales des vagues, sous la nasse diluée des courants marins des courants obliques, les courants aveugles inconnus des géographes qui ourlent le cosmos comme des satellites et dérivent en nœuds coulants autour de nos globes oculaires sertis d'embrun sur la grève.