VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


vendredi 9 janvier 2009

AUTO-CENSURE



Une publicité télévisée pour une marque automobile teutonne claironne sur fond d'azur asphalté, que son produit peut atteindre les 100 km/h en moins de 14 secondes… Aussitôt, le taux de testostéronne fait un bond dans les sondages médiamétriques, et les clichés s'empilent comme les moellons de la pyramide sociale. Le paysage est magnifique, qui pourrait tout aussi bien vanter les mérites supposés d'une compagnie de tourisme ou d'une fabrique de saucisson. On est forcé d'être songeur, on en mis en faillite critique dans l'angle choisi démonstratif. . Transis derrière les orbes fauves métallisés du bolide faisant l'article on songe ces virages à flanc de montagne ressortissant au décorum caverneux qui jouxte les profils parallèles de la Joconde. Le vertige atteint très tôt les limites du plaisir ; et que voguent les carcasses dans les ciels étoilés, que volent dans les ronces tous les corps ensanglantés, que plongent à travers les pentes les fragments d'alliage déchiquetés par une main fractale. Huile d'olive, shampoing, aliment canin… La publicité automobile fait long feu et ces 14 secondes n'en finissent pas de s'écouler. À l'époque de Balzac, il fallait quatre jours pour se rendre de Tours à Paris. Les coches n'étaient déjà plus ceux de l'époque montaigneuse, et l'insécurité des routes était déjà revenue de tout. Il pouvait s'en passer, des choses, selon la même centaine de kilomètres qui n'étaient pas encore 14 de nos modernes et trop modernes, secondes.

14 secondes… Une ligne par seconde… 14 lignes comme un sonnet trépané.