VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


samedi 3 janvier 2009

3009


Tout a commencé le jour où un enfant a décidé de faire un procès à ses parents pour l'avoir mis au monde. Ce jour-là, nous avons basculé dans un autre monde au cœur de ce monde. Un monde nouveau, pour des hommes nouveaux. Un monde où la seule limite est le possible, et où chaque individu peut tout maîtriser de ce qui le concerne : sa vie sa mort sa naissance même… Un monde idéal pour un homme idéal tenant les trois rênes du Temps, tenant les fantasmes de ses ancêtres et les souvenirs de ses enfants. Notre vie peut être parfaitement planifiée. Mais nos habitudes doivent être parfaites également. Nos pensées nos regards nos sensations et nos goûts, des parfaits. Mais quand l'heure a sonnée, nous avons dû partir. Ils nous ont explique que c'était notre heure. Nous avions une heure à nous, nous avions donc au moins quelque chose. C'est ce que nous ont expliqué les Services de la Viserie et ceux de la Disparition Nationale ! Nous tenons des menus et des programmes variés de formules à votre entière et unique disposition, nous ont-ils expliqué. Votre horizon et le nôtre sont le même. Notre coexistence sur la planète sont une seule et même chose. Nous avons toujours su qu'il fallait bien choisir sa naissance. Tous nos chercheurs, toutes nos édiles, tous nos intellectuels ne parlent que de cela depuis des lustres. C'est le point central de notre nouvelle civilisation. C'est un lac sans fond dont nous lustrons nos vies jour après jour. Nous buvons toutes et tous la même eau à discrétion. On ne peut pas survivre sans eau, et les Anciens ont dit et répété que l'Eau était le véritable roi ! De cette attente gigantesque tenant pourtant dans la circonférence du moindre crâne, nous avons fait le germe et l'arbre, la planche et le salut. À force d'attente, à force de compléments apportés au bonheur, de péripéties ignées débordant du bonheur, à force de rêve de paix et de vanité de la race humaine, de conflits mal résolus et de révérences indues faites à cette vieille pute de Mère-Nature qui ne nous demande rien ! À force d'éradications successives des forces paradoxales qui nous ont amenés là où nous sommes, à force de faiblesses accumulées en couches, nous avons aboutis à une incroyable fin du hasard ! Une impensable fin du mystère, une disparition des rêves ! Comment tolérer que des enfants ne rêvent plus, et qu'ils fassent des procès à leurs parents ? Il y a une omnipotence du choix qui est aussi un règne du procès. Nous sommes les juges et les condamnés du procès du temps. Nous étions le temps et son devenir. Mais nous ne sommes plus que son cauchemar.