VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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lundi 29 septembre 2008
PRÉSENCE-ABSENCE-PRÉSENCE
Comme jadis les Dieux dans la fumée des holocaustes et des encens, des êtres antidivins, insacrés et amythologiques s'incarnent parfois dans cette fumée d'embruns soulevée par les vagues au crépuscule, disait Luigi Éden-Théa. Une poudre argentée les recouvre avec une perfection de drap, de masque antique ou de métaphore. Et cette masse un instant suspendue, est aussitôt criblée d'un mauve azur qui retombe, en atomes infinis, sur l'aimant plastique de la mer aux poissons. Ces formes n'étaient-elles pas des visages, des empreintes disparues, des fragments de soi arrachés par l'exil ou la mort… Par une notable faiblesse de l'œil humain, par une capacité physique de rémanence des images — qui est la base de toute mélancolie —, nous parvenons ainsi à nous saisir de quelques unes des anamorphoses laissées en l'air par cette fumée grise couleur viscères, disait Éden-Théa. Tout est dans la trace. Nous ne faisons que lire des traces, et nous n'écrivons que des traces. À la merci d'une moindre vague, nous ne sommes rien d'autre que des traces, faiblement imprimées sur le glacis de la laisse de mer, disait-il.