VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


vendredi 6 mars 2009

UN HOMME DE DOS



Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune. Imaginons qu'un homme regarde la mer. Que fait-il là ? D'où vient-il exactement ? À quoi pense-t-il ? Il doit avoir des idées du derrière et du devant de la tête. Il a, potentiellement, toutes les idées du monde. Il est là dans le rugby du temps et de l'espace, offrant son dos tout en dérobant son visage et les secrètes arcanes de son regard. Il est là, mais il n'est pas là. Ses yeux sont portés au loi. Déroutés vers un ailleurs qui ne s'arrête pas forcément avec l'horizon. Cet homme regarde la mer, et il semble disparaître sous nos yeux, se noyer fictivement dans l'eau courbe de nos yeux. Ce corps sans visage, cette ombre dans le cadre, a fini par susciter son propre fantôme et par décocher une onde de curiosité qui vient se planter au ralenti en plein cœur de sa cible ; une zone reculée du cerveau. Corps sans visage qui fait monter la valeur de l'absence, qui troue littéralement le paysage en attirant à lui tous les éléments hétérogènes du décor. Il fait corps avec le paysage. Il en fait part. Saisi dans ce qui forge une durée latente, le flux de ses pensées est aimanté là de questions et d'intérêts. Une forme de transmigration de son semble être à l'œuvre ? L'ordre de sa tête est bouleversé par ce contact sensible avec l'horizon, avec l'infinitude et l'oubli de soi. Les cils de ses yeux sont courbés dans le sens de la lumière, qui ne cessent de tresser de possibles vaisseaux de soie. Son regard surfe sur le rebours de chaque vague, et son imagination croisera bientôt des bateaux à voiles, des chalutiers, des super tankers rouges et noirs, des icebergs bleu acier, des troncs d'arbres flottants et des baleines franches émettant des chants australs. Il voudrait partir. Mentalement il part. Il est déjà parti. C'est que, réellement, il ne peut-être que part et parti…