VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


jeudi 5 mars 2009

LES ENGOULEVENTS DE LA CHAMBRE ASSIÉGÉE


Dans la fumée du réveil, j'étais sûr de tenir entre les mains le petit corps ferme et bien fait d'un texte idéal à écrire ici-même. Il y avait là l'ébauche d'une idée sur quelque chose, et tout autour de cette imprécision quelques mots qui semblaient bien s'aimer. Je me suis répété plusieurs fois des phrases en silence. Je les ai pesées comptées et divisées dans cet habituel et simple mouvement de lego, qui est comme une autre manière de dire écriture ; voire plu. Un rai de lumière ayant allègrement filtré sous la porte de ma chambre, j'étais sûr que mes modestes phrases se gravaient déjà dans le marbre, filtrant à travers mes yeux mi-clos, forçant le mur épais de fumée matinale et roulant sur le parquet pour aboutir ici, et maintenant, en une suite royale de uns et de zéros malicieux… C'était compter sans les maléfices qui font le siège de tout dormeur qui s'éveille ! Ces anges et autres démons qui font une pâture constante de toute "idée en l'air", et se nouent telles des chauve-souris tropicales dans la moindre chevelure de parole. S'il avait fait plus froid, nul doute que, avec précaution, je les aurais recueillies —gelées en l'air— dans un vulgaire panier d'osier. S'il avait fait plus chaud, nul doute non plus que je les aurais retrouvées en manne sous la douche. Mais il aura fallu que ce soit aujourd'hui. Et qu'à ces heure et minute précises tout cela phrases informes et formes sans phrases, s'offre à la gueule ouverte de ces monstres carnassiers et minuscules, qui chaque matin, rôdent au-dessus de mon lit tiède et fumant comme des engoulevents.