VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


dimanche 8 mars 2009

LA PLAGE DES BLOG-TROTTERS AUX CHEVEUX LONGS



Je crois que je me suis laissé aller. J'étais fatigué et j'ai laissé mollement choir mon front contre l'écran de l'ordinateur allumé. Je ne me suis pas vraiment senti devenir électrique, ni vibrionner illico d'une suite infinie de un et de zéro. Mais j'ai vite eu la tête chaude, et j'ai fait ce rêve étrange. Mes cheveux poussaient en accéléré et de toutes les couleurs. Fins et noués en liasses de J, ils devenaient lianes puis arbres incandescents penchés dans le sens d'un vent qui n'était autre que le mouvement même de mon rêve. Dans cette forêt capillaire et croissante, j'entendais des bruits de soudure à l'arc et de compresseurs comme dans d'autres bois hurlent des loups et rôdent des corbeaux. Tous les végétaux se courbaient dans le sens de mon passage, et je semblais aller vite. Je sentais de plus en plus que je devais arriver quelque part, ou que quelqu'un m'attendait. Les limites du chemin, les talus et les herbes, le ciel et sous son poids l'horizon étaient fait de mes cheveux qui couraient littéralement de tous côtés comme des flux de vitesse dans un dessin animé. Ma tête était de plus en plus chaude. Mais agréablement chaude, comme un soir d'été en Provence, ou une nuit pluvieuse en Baie d'Halong. C'est pourquoi je suis descendu vers la plage comme on sort de l'autoroute. La mer était verte et lisse comme une soupe, et tout autour de la baie s'élevaient des murs végétaux en H immenses et striés ça et là de veines bleu-noir. Je ne saurais décrire le vacarme des oiseaux ; multicolore

Les autres étaient là depuis un moment quand je suis arrivé. Ils me dirent aussitôt que d'autres arriveraient sans doute plus tard et que certains étaient déjà repartis. Tout le monde parlait de ses cheveux et des cheveux des autres. Et c'est vrai que nous avions tous en effet d'étranges et longs cheveux, dont certains rejoignaient la mer et d'autres les végétations luxuriantes derrière nous. L'aube semblait se lever depuis toujours et devoir rester pâle. Nous avons parlé pendant longtemps. Je ne sais pas… Très longtemps. De temps à autre, de l'électricité agitait l'air en faisant naître de minuscules aurores boréales en forme d'Y au-dessus de nos têtes. Les uns ou les autres apparaissaient ou disparaissaient sans crier gare, comme des voyageurs dans un aéroport ou des idées volantes dans l'esprit. De petites vagues de soupe verte venaient rythmer les débats sur la plage, et le manège indéterminé des corps ni les formes volatiles du paysage ne paraissaient rien moins que naturels, tout comme la respiration la déambulation ou la communication humaine. Nous étions tous assis sur le dos de barques retournées ou sur des filets de pêche multicolores et, au loin, nous entendions la rumeur des grandes vagues océaniques venir se briser sur la barrière de corail et retomber en nasses d'eau vive sur le clavier minéral tout autour de la baie. Le front brûlant, je relevai la tête avec les lettres J, H et Y et imprimées en vert, bleu et noir sur ma joue droite…