VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mardi 10 février 2009

CAMINANDO



À partir de là, la notion d'art pour l'art n'a donc plus aucun sens, disait Luigi Éden-Théa. Et puisqu'une forme choisie ne l'est plus que pour accueillir, le texte littéraire, s'il est art, n'est jamais qu'une terre d'asile, un marais susceptible, un vase capable de cueillir n'importe quel parfum, n'importe quelle odeur, n'importe quelle humeur frôlée par la vie comme par la mort. L'eau carrée d'un port ne choisit pas les coques qu'elle mouille et balance contre la pierre polie, disait-il. Dans sa vague stagnante, se mêlent ainsi sans partage les eaux usées et les élixirs marchands. Même crasseuse, même poissant les doigts comme jadis à l'encrier cette eau se veut lustrale et digne d'ablutions. L'acte d'écrire n'est pas que représentation, pure présentation au temple et salve d'icônes à révérer. Mais il demeure proche de la prière. On se moque de savoir si c'est beau, disait Éden-Théa. De savoir si c'est plus ou moins beau, plus ou moins nouveau, révolutionnaire ou génial… Ce qui importe c'est que ce soit bon, c'est tout disait-il. Bon… Ce que je veux dire par là ? Je ne sais pas moi : bon à quelque chose, c'est tout ! À manger si vous préférez. Bon à boire et à manger. Bon à écouter par exemple, bon à respirer, à goûter. Bon à dire et à répéter. Bon à vivre tout simplement, et s'inscrivant dans une vie toute de bonhommie vêtue, un vécu lié, relié à ce qui l'entoure, le petit monde comme le grand. C'est le genre de relation qui pousse à sortir de chez soi, à sortir de soi comme on sort de sa chambre. Littéraire ou pas, une telle écriture sera sociale ou elle ne sera pas. Et peu importe qu'elle le soit à sa manière, toute seule, isolée à l'image d'un arrêt de bus en tôles planté au milieu de nulle part car si elle l'est, c'est comme une route. Comme la route qui passe devant l'arrêt du bus et lui donne tout son sens. Et une petite route de campagne, sans éclairage public, sans bas-côtés stabilisés, sans signalisation horizontale et sans horizon du tout… Eh bien ! disait Luigi, c'est encore une route non.