
(image d'Emmanuel Georges)
(…) le frère Pavon avait remarqué, au cours de ses voyages, que la maladie n'existait pas sur les côtes. Les habitants des bords de mer, les familles de marins et de pêcheurs n'étaient jamais touchés par le Syndrome. Il fit des relevés et établit des assertions et, en 1824, il publia son fameux De Natura Peccis, où il précisait les symptômes d'une pathologie toute extraordinaire et ses occurrences à travers l'Europe. Le religieux concluait que "seul le sel, et les agents sanitaires contenus dans l’eau marine, parviennent à éviter la disparition totale de la peau par absorption dans le vide creusé par la maladie." Les climats secs et les expositions prolongées au soleil étaient donc les plus fidèles ennemis des malades. La terre d'élection du frère Pavon acquit très vite ses lettres de noblesse, et de l'Europe entière on les vit accourir vers ce recoin de côte atlantique, et se lover durant de longs séjours dans l'étreinte de brumes matinales et de degrés hygrométriques élevés promis par les alentours de la baie. L’eau ! L'eau de l'océan sous toutes ses formes leur était donc bénéfique. Outre un degré de salinité hors du commun, les eaux de la baie sont effectivement fort iodées, et l'on découvrira plus tard qu'elles sont riches en métalloïdes de toutes sortes. Pour espérer vieillir un peu, pour ne pas tomber en cendres sous un coup de vent, ils se devaient à la proximité physique de l'eau marine, et se vouer aux rafraîchissements, aux lavements, aux bains continus, aux brumes naturelles et au culte de l'ombre — par ailleurs courante dans les églises et les cathédrales —. Comme déroutés du pèlerinage de Compostelle, c'est à un groupe de religieux venus dans le sillage de Frai Pavon que l'on doit la construction de cette maladrerie. (…)