VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


dimanche 28 décembre 2008

LE SYNDROME DE LIVOURNE, III












(image d'Emmanuel Georges)

(…) le frère Pavon avait remarqué, au cours de ses voyages, que la maladie n'existait pas sur les côtes. Les habitants des bords de mer, les familles de marins et de pêcheurs n'étaient jamais touchés par le Syndrome. Il fit des relevés et établit des assertions et, en 1824, il publia son fameux De Natura Peccis, où il précisait les symptômes d'une pathologie toute extraordinaire et ses occurrences à travers l'Europe. Le religieux concluait que "seul le sel, et les agents sanitaires contenus dans l’eau marine, parviennent à éviter la disparition totale de la peau par absorption dans le vide creusé par la maladie." Les climats secs et les expositions prolongées au soleil étaient donc les plus fidèles ennemis des malades. La terre d'élection du frère Pavon acquit très vite ses lettres de noblesse, et de l'Europe entière on les vit accourir vers ce recoin de côte atlantique, et se lover durant de longs séjours dans l'étreinte de brumes matinales et de degrés hygrométriques élevés promis par les alentours de la baie. L’eau ! L'eau de l'océan sous toutes ses formes leur était donc bénéfique. Outre un degré de salinité hors du commun, les eaux de la baie sont effectivement fort iodées, et l'on découvrira plus tard qu'elles sont riches en métalloïdes de toutes sortes. Pour espérer vieillir un peu, pour ne pas tomber en cendres sous un coup de vent, ils se devaient à la proximité physique de l'eau marine, et se vouer aux rafraîchissements, aux lavements, aux bains continus, aux brumes naturelles et au culte de l'ombre — par ailleurs courante dans les églises et les cathédrales —. Comme déroutés du pèlerinage de Compostelle, c'est à un groupe de religieux venus dans le sillage de Frai Pavon que l'on doit la construction de cette maladrerie. (…)