VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


samedi 27 décembre 2008

LE SYNDROME DE LIVOURNE, II













(image d'Emmanuel Georges)

(…) aujourd’hui disparue — remisée dans un quelconque surplis de l’Histoire — l'étrange mal n’a plus pour symptôme que ce beau bâtiment géométrique en haut à gauche, qui fait face à la plage. Dans un registre du XIX ème siècle, on peut lire que les malades atteints dudit Syndrome de L., concevaient dès la puberté une affection cutanée chronique engendrant des plaies saillantes monstrueuses (sic). Dès la naissance, une peau fortement pommelée en était le signe annonciateur. L'épiderme et le derme avaient tendance à se déshydrater d'abord, à se dessécher puis à tomber ensuite par lames. Dans une première phase, entre sept et quatorze-quinze ans, les malades ne supportaient plus le contact des draps ni des vêtements ni même de leurs propres mains. Ils ne pouvaient plus s'habiller. Ils ne pouvaient plus sortir, ne pouvaient plus se nourrir qu'avec difficulté. Dans une seconde phase, après avoir dévorer toute la peau du malade le transformant en un corps-plaie, insinué dans tous les pores, le mal s'attaquait aux chairs en profondeur avec, pour objectif final, la consomption totale par l'atteinte des os. Les muscles, les organes nécrosaient les uns après les autres, s’écroulant comme des puits artésiens et propulsant le germe de la maladie vers l’intérieur. Lors de la phase terminale, on enduisait le corps entier d'onguents d'huiles d'olive ou de feuilles de vigne trempées dans le miel et d'eau de mer. L'air et le soleil étant des agresseurs constants, on confinait les malades dans les greniers ou les caves et il paraît même qu'on en y oublia certains. Jusque vers 1650, aucun malade ne dépassait l'adolescence. On enterrait les jeunes cadavres dans la chaux vive, loin des cimetières communs, en lisière des forêts ou l'on balançait leurs restes à la faveur de l'océan. La misère humaine creusait son lit avec l'aisance d'un fleuve dans le calcaire, jusqu'au jour où un père franciscain venu de Livourne, Frai Pavon, accosta dans la baie (…)