
(image d'Emmanuel Georges)
(…) aujourd’hui disparue — remisée dans un quelconque surplis de l’Histoire — l'étrange mal n’a plus pour symptôme que ce beau bâtiment géométrique en haut à gauche, qui fait face à la plage. Dans un registre du XIX ème siècle, on peut lire que les malades atteints dudit Syndrome de L., concevaient dès la puberté une affection cutanée chronique engendrant des plaies saillantes monstrueuses (sic). Dès la naissance, une peau fortement pommelée en était le signe annonciateur. L'épiderme et le derme avaient tendance à se déshydrater d'abord, à se dessécher puis à tomber ensuite par lames. Dans une première phase, entre sept et quatorze-quinze ans, les malades ne supportaient plus le contact des draps ni des vêtements ni même de leurs propres mains. Ils ne pouvaient plus s'habiller. Ils ne pouvaient plus sortir, ne pouvaient plus se nourrir qu'avec difficulté. Dans une seconde phase, après avoir dévorer toute la peau du malade le transformant en un corps-plaie, insinué dans tous les pores, le mal s'attaquait aux chairs en profondeur avec, pour objectif final, la consomption totale par l'atteinte des os. Les muscles, les organes nécrosaient les uns après les autres, s’écroulant comme des puits artésiens et propulsant le germe de la maladie vers l’intérieur. Lors de la phase terminale, on enduisait le corps entier d'onguents d'huiles d'olive ou de feuilles de vigne trempées dans le miel et d'eau de mer. L'air et le soleil étant des agresseurs constants, on confinait les malades dans les greniers ou les caves et il paraît même qu'on en y oublia certains. Jusque vers 1650, aucun malade ne dépassait l'adolescence. On enterrait les jeunes cadavres dans la chaux vive, loin des cimetières communs, en lisière des forêts ou l'on balançait leurs restes à la faveur de l'océan. La misère humaine creusait son lit avec l'aisance d'un fleuve dans le calcaire, jusqu'au jour où un père franciscain venu de Livourne, Frai Pavon, accosta dans la baie (…)