
(image d'Emmanuel Georges)
Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune. En cette période de l'année, sur l’un des deux monts asymétriques se dressant au fond de l'image, chaque soir, un cube blanc s’illumine sur les coups de 21h 00. Hôtel de luxe, boîte de nuit, villa aristocratique… Mais certains anciens racontent disent que ce fut jadis une maladrerie, et même s'ils ne sont pas très loquaces. En généra, ils préfèrent parler de la pêche, du temps, de la mer. Ce qu'ils fuient se trouve dans les livres de la bibliothèque locale. À savoir, précisément, qu'il s'agissait là d'un lieu à fuir, du regard de la pensée comme de la mémoire. Tous les chemins à l'entour étaient perclus d'herbes folles et de fondrières. La presqu'île fut appelée, selon les mœurs et les époques : du diable, du mauvais sang, de la mal-vie… et autres animosités vernaculaires intraduisibles. Sur le toit du bâtiment pointe encore un beffroi sans cloche. Les fenêtres ont été agrandies. Et les portes sont certainement moins épaisses, aujourd'hui. Certains fragments d'enceinte de l'ancienne circonscription sanitaire gisent épars à l’entour. Mais la majeure partie fut récupérée pour servir ici ou là de fondations aux demeures autochtones. Ici, selon le mémoire d'un certain Manuel Giorgios de l'Université de Pampelune, on soigna bel et bien les pathologies malignes de la peau durant des décennies. Et en particulier cette bizarrerie de la nature connue sous l’appellation de "syndrome de L." Une maladie de mauvaise fortune issue de comportements sans histoires officielles, sans chroniqueurs patentés ni rubriques encadrées dans les dictionnaires. Une maladie de la vie, une guigne à traîner, une croix dont l'ombre grandit à chaque pas (…)