VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


vendredi 26 décembre 2008

LE SYNDROME DE LIVOURNE












(image d'Emmanuel Georges)

Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune. En cette période de l'année, sur l’un des deux monts asymétriques se dressant au fond de l'image, chaque soir, un cube blanc s’illumine sur les coups de 21h 00. Hôtel de luxe, boîte de nuit, villa aristocratique… Mais certains anciens racontent disent que ce fut jadis une maladrerie, et même s'ils ne sont pas très loquaces. En généra, ils préfèrent parler de la pêche, du temps, de la mer. Ce qu'ils fuient se trouve dans les livres de la bibliothèque locale. À savoir, précisément, qu'il s'agissait là d'un lieu à fuir, du regard de la pensée comme de la mémoire. Tous les chemins à l'entour étaient perclus d'herbes folles et de fondrières. La presqu'île fut appelée, selon les mœurs et les époques : du diable, du mauvais sang, de la mal-vie… et autres animosités vernaculaires intraduisibles. Sur le toit du bâtiment pointe encore un beffroi sans cloche. Les fenêtres ont été agrandies. Et les portes sont certainement moins épaisses, aujourd'hui. Certains fragments d'enceinte de l'ancienne circonscription sanitaire gisent épars à l’entour. Mais la majeure partie fut récupérée pour servir ici ou là de fondations aux demeures autochtones. Ici, selon le mémoire d'un certain Manuel Giorgios de l'Université de Pampelune, on soigna bel et bien les pathologies malignes de la peau durant des décennies. Et en particulier cette bizarrerie de la nature connue sous l’appellation de "syndrome de L." Une maladie de mauvaise fortune issue de comportements sans histoires officielles, sans chroniqueurs patentés ni rubriques encadrées dans les dictionnaires. Une maladie de la vie, une guigne à traîner, une croix dont l'ombre grandit à chaque pas (…)