VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


lundi 15 décembre 2008

COMME DANS UNE CHANSON DE SOUCHON, III












(image d'Emmanuel Georges)

(…) malgré de beaux cheveux se déroulant dans le sens de la plage, cette épiphanie avait fait le même bruit qu'une vitre intérieure qui se brise. Les vagues reprenaient en échos la cassure, et l'éclatement régulier de ces blancheurs inégales sur la grève devenaient soudain des morceaux brisés de soi, que le vieil océan ravalait comme de la salive. On peut, parfois, inclure un personnage dans le labeur d'une contemplation active mais il faut du temps ; une durée plus exactement. Et non comme, sur une maquette d'architecture on pose un vulgaire grouillot… Parfaitement maintenues en l’air par la main du vent, les lignes jaunes de cette chevelure auraient pu prendre place au creux d'une vision en chantier, et vouloir prolonger celles striées des dunes ? Assise en tailleur, la fille s'installa face au chant de la mer en secouant la tête. En contre-haut depuis le bout du parking, lui continuait de jouir de la certitude de ne pas être vu et de vivre la scène à sens unique. Il persévérait dans la solitude et dans le délabrement de ses questions, dans ce champs vespéral de ruines amenuisées par la dentition maritime. Fut-ce de loin, il allait falloir se faire à cette présence, à cet idéogramme de chair planté dans le sable comme un futur souvenir. Le paysage mental commençait à se faire à cette nouvelle présence lorsque, à distance de sa maitresse, tout en noires virgules et soubresauts dans l'écume, un énorme chien ponctua l'invasion de la succube. (…)