VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES

Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
COMME DANS UNE CHANSON DE SOUCHON, II
(image d'Emmanuel Georges)
(…) tout en établissant un cadre cinématographique dans le sens de l’étendue, la vue impériale devient bientôt cet étau délicieux pour l'esprit, inclinant le péquin à demeurer, à rester là sans bouger ni rien d'autre. Le feulement des vagues, la force croissante du vent, ses coups d’archets dans les herbages et ses gutturales entre les dunes distillent une rythmique de basses proche de celle du cœur au repos. À force d’être semblables, de forer lentement les méninges et d’y étayer de frêles galeries, ces harmoniques finissent toujours par ne plus pouvoir disparaître de la caverne crânienne. Le jour a baissé et le soleil fondu. Le petit parking est presque vide et la plage presque déserte. Une série de pensées parallèles installant ce rapport étroit avec le sentiment de solitude, la communication qui prévaut avec les éléments est à la fois précise et vague, qui définit l'état mental du paysage avec les données immobiles d'un voyage en bateau. D’où ce sursaut, cette attitude de défiance intime lorsque, surgissant dans le cadre, une femme longue et blonde surgit en rompant l'équilibre d'une tranquillité de tous les sens patiemment acquise. (…)