VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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dimanche 23 novembre 2008
PRAVDA PRAVDA
Il ne faut pas croire ce que disent les écrivains. Ce qu'ils écrivent oui, y compris lorsqu'ils mentent. Mais pas ce qu'ils disent, disait souvent Luigi Éden-Théa. Ces pauvres têtes écrivantes font comme elles peuvent, c'est-à-dire avec ce qu'elles ont et c'est tout. Celui-là qui vous dit les yeux dans les yeux de l'éternité, qu'il a toujours pris pour modèle le code pénal, le code civil ou le code de la route, vous pouvez néanmoins être bien sûr que le soir, seul ou accompagné, il prend son temps et son plaisir à écouter des opéras baroques ou du rock psychédélique, à regarder des séries policières à la télé, qu'il se passionne pour la seconde dynastie de l'empire Tchou ou collectionne les timbres britanniques de l'époque coloniale… Et que, bien entendu, de ceci ou de cela, il se sert voire, comme à table, se ressert. Les auteurs sont tous des menteurs lorsqu'ils parlent d'eux-mêmes, de leur œuvre ou de leurs personnages, disait-il. Sortis du cadre épidermique tissé d'encre et de papier de leur contexte qui n'est d'ailleurs que texte, ils sont rendus à eux-mêmes avec leur lot tragique de faiblesses, de paradoxes, de guignes et d'orgueil plus ou moins bien placé ; là-haut sur l'étagère mirobolante de la bibliothèque… La vanité de celui qui parle de ce qu'il écrit est tout bonnement sans pareil. C'est un problème physiologique. Le cerveau devient corps, il se corporéise, il sort de sa boîte crânienne, il s'échappe de sa prison d'os et fait une fugue en mode majeur. Hamlet tenant dans sa main une tête vivante parlant d'Hamlet… Que celui qui n'a jamais eu froid, que celui qui n'a jamais eu faim lui jette la première pierre… De toute façon, il y a fort à croire qu'il en ferait encore des phrases. C'est ainsi, la vanité des écrivains caracole tous azimuts. Il ne faut jamais oublié que dans le mot écrivain, il y a vain, disait Éden-Théa ! Cela va sans dire me direz-vous, mais en vérité je vous le dis, ça va mieux en le disant c'est tout.