VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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samedi 22 novembre 2008
DEDANS DE DOS
Machinalement, il se rend chez la femme qu'il aime et qu'il aime aimer. il va donc passer devant la pâtisserie déjà fermée, traverser la Passerelle des Juifs, prendre en biais toute la Place de la république et couper à travers la résille d'immeubles du quartier allemand pour rejoindre la rue de Berlin… En tout : Une fois à droite, une fois à gauche, une fois à gauche, une grande oblique vers la gauche puis, au cordeau, une fois à gauche, une fois à droite, une fois à gauche et enfin à droite jusque devant sa porte ; machinalement. Il ne verra donc pas — plus —, la couleur spécifique de l'église St Pierre-hors-les-murs qui, à cette époque de l'année, flamboie de rose sanguin entre 19 et 20 h… Il ne verra pas — plus —, les robes de fête vertes et blanches façonnées par les déclivités ardentes des tilleuls dégoulinant fixes par dessus la rambarde des quais… Il ne verra pas — plus —, le couple de cygnes structurels qui, chaque année, nidifie en plein centre-ville sous la pile Sud du pont de la Fonderie… Il ne verra pas, il ne verra plus, car il ne peut voir tout ce qui se joue dans un regard indéterminé, un regard qui fut le sien tant de fois, le redeviendra sans doute. Mais aujourd'hui, ce soir, à cet instant, il est en route vers celle qu'il aime et qu'il va aimer. Le paysage est là . L'été est là. Le monde est là mais sa réalité est devenue fragmentaire, découpable au chalumeau comme un vieux tanker rouillé, comme un paquebot sans équipage. Toutes les descriptions possibles vont s'effectuer sans lui. Tous les merveilleux détails, toutes les fleurs vivantes, toutes les secondes carnivores vont éclore hors du cercle de feu de ses paupières amuies par le désir. Son corps entier est tendu vers une porte, vers une femme debout derrière une porte. Lui ne pense qu'à ses pieds. Les pied sont la chose la plus précieuse du monde. Ce sont deux merveilles d'équilibristes qui supportent toute notre vie sans broncher. Et ils ont des capacités insoupçonnées, de musculature et de correction des données, de tenue et de verticalité sensible. Les pieds ont la même couleur que les zones antiques du cerveau. Les pieds sont comme deux cerveaux autonomes qui pensent pour nous lorsqu'on ne pense pas — plus —, et puis, surtout, les pieds nous emmènent toujours là où l'on veut aller ; machinalement…