VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


lundi 24 novembre 2008

TENTATIVE DE DESCRIPTION













Au premier plan le sable est assombri par les traces de pas. Toute la journée, l'abord a été martelé et il occupe un bon cinquième de la vue qui se met en place avec la première phrase. À la frontière des deux éléments, le mouvement de la mer est saisi par l'ourlet d'une vague — petite —, qui se replie sous elle-même en laissant l'ombre parfaite d'une lèvre sur humidité du sable. Quelques mètres plus loin se dresse le personnage. Il est presque au milieu de la vue — c'est en tout cas ainsi que l'œil le retiendra pour l'éternité —, et porte tout ou partie du paysage sur ses épaules, sur sa nuque sa tête et au-dedans de sa tête. Il a de l'eau jusqu'à la taille ou presque. La forme de son corps, la présence muette de son dos semble poser question. C'est l'une des énigmes structurelles de la peinture figurative : On se demande toujours à quoi pense, ce que peut bien voir un personnage de dos ? Ici : s'il va se mettre à nager par exemple…

Au second plan, une nouvelle vague est déjà là, qui s'ourle et menace la précédente. Fermement arrimée dans tout le sens de la largeur, elle barre en deux la dimension physique de la baie dont la surface est couverte d'une peau bleue animale, vibrante et uniforme qui accroche les derniers rayons du jour. À droite, ce godillot maçonné n'est que l'amorce d'un édifice militaire induisant l'idée de glacis militaire offrant un point de vue où le vent doit se plaire à chanter. Sur la gauche, la poitrine asymétrique des deux mamelons est recouverte de pins et de cyprès, et l'on n'arrive pas à savoir s'il s'agit véritablement d'îles, d'îlots ou d'une véritable presqu'île adossée au paysage. Villas ou hôtels, quelques bâtisses y sont par ailleurs déchiffrables à l'œil nu. Aux pieds de cette hypothèse géographique, minuscule et blanc, un bateau de plaisance est au mouillage qui ne se laisse pas saisir.

Plus au large, au bout du godillot, une barque de pêche paraît déjà prise dans le filet de la nuit.

Plus loin encore, quelques bouées indiquent l'entrée de la baie, à moins qu'il ne s'agisse d'écueils plus saillants…

Enfin c'est toute la ligne d'horizon qui flotte entre deux petits mondes bleus, derrière lesquels le vaste monde bascule.

Sans fin tout au contraire de ce qui se laisse voir, le dernier quart de la vue consacre le ciel et ses oaristys avec le soleil mourant.

Dans la profusion du soir, une trame violette finalement assez indescriptible transparaît en filigrane en ce que le ciel, vient, hic et nunc, de prendre sa très précise couleur de prune…