VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mercredi 29 octobre 2008

6/7 ET 100 PAR 80












(image d'Emmanuel Georges)

Les commencements sont souvent obscurs. Un groupe de canoéistes vient de sortir du cadre mental de la photographie, ébrouant longuement son attirail chamarré en passant devant lui. Depuis plus d'une demi-heure il se tient là, en retrait, assis à califourchon sur le parapet qui sépare la plage du petit parking municipal. Jusqu'alors l'animation a été constante, digne d'une journée estivale avec ses baigneurs, ses promeneurs et ses joueurs de toutes les sortes et les deux derniers plagistes s'apprêtent eux aussi à lever le camp. Alors qu'ils vont regagner leur voiture, l'un d'eux décide soudainement de revenir sur ses pas pour entrer à nouveau dans l'eau, jusqu'à la taille, les bras légèrement décollés du corps. Depuis le parapet, le photographe appuie sur le déclencheur de son 6/7, et voilà ! C'est tout ou presque.
Plus tard, il en fera ce tirage papier 100 par 80, contrecollé sur plaque métallique qui trônera dans le renfoncement du salon, juste au-dessus du divan. Une reproduction photographique avec, veinée dans la fin de son ciel, une très très précise couleur de prune.