VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


jeudi 30 octobre 2008

UN AUTRE TRAIN

Ce qu'il faut dire c'est qu'à chaque fois qu'il prend le train, outre l'indéniable fait que c'est bel et bien le train qui le prend et non l'inverse, le voyageur lambda ne peut s'empêcher de songer qu'il aurait tout aussi bien pu en prendre un autre non ? De train. Impression nuisible très commune, probablement faussée par un manque de quelque chose en soi — devoir sortir tout nu dans la rue, souiller ses vêtements avant un rendez-vous, rester muet lors d'un examen que sais-je encore ? En l'occurrence, l'explication la plus plausible est celle des reflets. De ces renvois parallèles et impermanents tissés à l'horizontale entre les différents trains à l'arrêt, paisiblement assis sur les quais comme de bons chiens fidèles avant l'assaut. Dès avant le départ du train et son ébranlement physique, le voyageur lambda pressent l'ombre d'un doute, là, juste au-dessus de sa tête, remisé dans le porte-bagages avec ses affaires personnelles. Suis-je dans le bon train se demande-t-il immanquablement ? Suis-je dans la bonne voiture, à la bonne place, et mon cortex stupide est-il toujours au bon endroit ? Il en est pourtant sûr le voyageur. Il sait lire tout de même. Il a lu tous les panneaux, vu tous les signes depuis le hall de la gare et jusqu'à l'affichette jaune pâle portant le numéro de sa réservation. Il se souvient même qu'il a déjà pris ce train, déjà pris cette ligne à la même époque l'an passé. Mais c'est plus fort que lui. Le doute, est plus fort que tout de toute façon, mais c'est une autre histoire. Il n'y a donc plus, pour le rassurer, que les reflets statiques de cet autre train, de l'autre côté du quai, remplis de gens qui ne peuvent aller qu'ailleurs. Au moment où son train démarre, le voyageur se voit doucement partir dans le miroir parfait de l'autre train, qui bouge, et modifie la perception lente de ses reflets puisque, précisément, c'est lui qui part et non l'inverse. Le voyageur est toujours à quai. Le doute toujours au-dessus de sa tête. Le fait troublant est là qui demeure, suspendu telle une statue branlante au fronton d'une vieille église. Un autre train est toujours possible. Un autre voyage, un autre horizon. Une autre vie…