VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


dimanche 22 mars 2009

ZOMBIES DIMANCHE


Les villes bourgeoises du Nord sont parfois des villes zombies. Surtout les dimanches qui se suivent et se ressemblent comme des crimes non-résolus. Leurs rues sont presque vides et leurs centre-villes faiblement animés que par des cars de touristes qui voudraient bien pouvoir dépenser leurs bourses mais… C'est que, il fait tellement bon rester entre soi par ici, que l'économie est assujettie aux habitudes. Ici, les dimanches commencent le samedi, vers 17 h, et comme ça les commerces ferment et s'enferment. Seuls restent ouverts et de bon commerce les arabes du coin qui, bien souvent, sont turcs ainsi que les restaurants turcs qui, tout aussi souvent, sont kurdes. Ici, le jour du seigneur, bars et restaurants demeurent fermés comme sous l'Empereur Guillaume II ; certaines boulangeries même (Plus tard, on apprendra de la bouche du représentant local du syndicat des commerçants que: L'année a encore été très mauvaise ! vous savez…) Et alors ça sent la cuisine au beurre un peu partout dans les cages d'escalier, et ça sent la pâtisserie à la crème… Ça sent le renfermé, le bas de laine, et le repas de famille. Ici, les zombies vont à la messe ou déjeuner chez leurs parents, ce qui revient au même. Puis ils rentrent chez eux en se plaignant systématiquement qu'ils ont trop mangé et que "ta mère cuisine toujours trop ou toujours trop gras etc. C'est comme ça. Ils ne le disent pas mais en vérité ils en sont fiers ; très fiers même s'en allant acheter des fleurs pour belle-maman, des éclairs au café pour grand-mère, un os de bœuf pour le chien de papa. Ce ne sont pas précisément ces dimanches qui sont tristes, mais bien tous ces zombies, ces endimanchés-là fuyant comme des anguilles dans leur vase-clos. Dans les villes bourgeoises du Nord, ça sent donc la pâtisserie à la crème et la cuisine au beurre jusque dans le cœur des mots. Ça ne sent pas très bon et, pour tout dire, la mort bien plutôt qu'autre chose.