Tout le monde veut bien croire au Paradis, à la rigueur. Mais personne ne veut mourir afin de vérifier avec rigueur, expertise rationnelle voire scientifique si, de fait, existent ou pas le dit Paradis et consort. Il y a cette phrase d'Auguste Comte, roide et tranchante comme une épée de Damoclès ou un rasoir d'Ockham à cinq lames : La société est faite de plus de morts que de vivants ! Ce qui veut dire, précisément, que le jour où je suis né des milliers de gens sont morts à travers les couches polychromes du courbe horizon. Vieux, fatigués, usés, malades, assassinés, suicidés, mort-nés… Et veut dire aussi que, le jour où je mourrai, ce sont des milliers de gens qui naîtront à leur tour. Un jour… puis un autre jour. Cet autre jour qui est aussi le même. Entre temps, j'aurais appris qu'il y a eu —grosso modo— et de toute éternité guère plus de quatre-vingt/quatre-vingt-dix milliards d'êtres humains qui soient nés, aient vécu et soient jamais morts sur cette terre à travers elle et en elle. Qu'importent les jours, qu'importent les instants ici partout et même ailleurs, mais il y a eu et il y aura quelqu'un qui pense à cela, de la même, stupide et naïve manière et sans en faire tout un plat ni même un petit texte. Chaque seconde, chaque lettre, chaque frappe sur mon clavier ne fait rien d'autre que pousser plus avant cette étrange barre frontale I, vertical horizon qui s'enfuit à mon approche et marque indéfiniment le bout de la route, la fin de la partie, le basculement des dimensions existentielles. Un petit texte, un textule… ne cherchant rien d'autre qu'accroître la masse d'un jour qui, pourtant, ne tend à rien d'autre qu'à décroître, à aller se coucher et, selon la toujours même courbe et le toujours même horizon, normalement, mourir.
VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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