VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mardi 23 décembre 2008

EAU VIDE EAU PLEINE


Il y a en effet des gens pour qui, la littérature et la vie sont une seule et même chose. Des esprits saints dans des corps sains, disait Luigi Éden-Théa. Des bienheureux des évangélistes des aventuriers. Ils sont là qui baignent dans leur jus et s'en nourrissent infiniment comme des trous noirs. Mais quoi ! Ils mangent du papier, ils boivent de l'encre. Leur merde sent la chlorophylle ? Ça c'est de la mélancolie sans cause, disait-il. C'est de la plainte sans nom. C'est une misère qui insulte toutes les misères réelles. Quoi Ovide le Triste… Quoi Ovide le Pontique… Ovide la paludéen… Ovide est le plus con de tous les écrivains. S'il s'était arrêté d'écrire, s'il n'avait pas voulu faire œuvre il aurait cessé d'être malheureux et serait devenu agriculteur, marin ou soldat digne de foi. Le modèle ovidien est plein de toute le bêtise crasse des écrivains. Le fait est que toute personne qui écrit ne rêve que de voir ce mot divin transcrit sur leur passeport, ce nom sacré, ce ciel sociétal : Écrivain !
Je persiste à croire disait-il, qu'on n'est pas obligé d'écrire toute sa vie. Que ça n'est pas un métier. Ou alors, si vous préférez et pour flatter votre esprit polishé de rhétorique : On n'est pas obligé de vivre toute son écriture. Par contre, il faut vivre. C'est sûr, avéré, quotidien. Oui il faut vivre, disait Luigi Éden-Théa. Et je n'ai pas besoin de me le répéter tous les jours. C'est comme ça. Mais peut-être est-ce que je confonds littérature et écriture je ne sais pas, disait-il.