VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mercredi 17 décembre 2008

COMME DANS UNE CHANSON DE SOUCHON, V












(image d'Emmanuel Georges)

(…) atavisme probable des anciens peuples chasseurs et de leurs glandes endocriniennes, par une très savante circumnavigation de panthère, de fauve articulé, il ne lui fallut que quelques minutes pour effacer, sans se faire remarquer, tous les intervalles séparant le banc de la fille. Le chien, tout excité par la vigueur du jeu et des vagues, ne sentit rien à cette approche quasi indienne. Mais une seule seconde d’attention lui suffit démasquer l'intrus. S’élançant vers lui comme un boulet, il le figea dans une salve d'aboiements sidérants, puis marqua un arrêt à la limite du dernier cercle, juste avant l'attaque, à l'orée de sa maîtresse ! D'une colonne marmoréenne et audiblement allemande, la fille se leva aussitôt pour venir de la voix comme de la paume calmer le molosse. Rassuré, la panse encore éclaboussée d’écume, le chien tirait la langue, son rythme cardiaque lui soulevant toute la surface du corps dont saillaient les côtes. Il repartit jouer avec mer et bâton. Sans rien dire, elle s'était rassise sur le sable, toujours en tailleur, mais la masse des cheveux entièrement déportée sur le côté gauche du visage. Il s'assit à sa droite, en plein dans son profil. Bien sûr qu'ils auraient pu passer des heures, des jours entiers à promener leurs regards sur la mer féconde, et y répandre avec espoir toute la manne de leur esprit, bien sûr. Mais assez inexplicablement, au bout de quelques minutes, et alors que leurs regards ne s'étaient pas même croisés une seule fois, elle passa son bras droit autour de son cou et fit glisser son visage entier sur le sien. Durant de longues secondes, les deux miroirs, — toujours invisibles — coulissèrent l’un sur l’autre comme le soir et la mer. Le ciel était devenu violet, presque pourpre couleur de vin. Sur l'aile de sa main gauche, les cheveux blonds se redressaient et tournaient en l'air par instant comme des ponctuations, des respirations de mammifères marins à la risée du soleil couchant. Quelques jours plus tard, il la revit sur le port. Les cheveux retenus en arrière, assise à côté d'un homme au teint pâle, elle était dans une voiture rouge faisant la queue afin d'embarquer sur un quelconque ferry !