VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mercredi 12 novembre 2008

PHASES DU SILENCE

Le texte et la musicalité du texte, ne prendraient leur véritable sens qu'au travers du silence qui les entoure, les précède et les retient comme l'eau ce qui va naître. Un silence donnant lieu et vie à la parole. L'eau est là, l'eau salivaire où se retournent à chaque seconde les fœtus de la parole. Transparente et lente comme une bouche ouverte, l'eau du silence dans sa poche péremptoire ne se déchire qu'à coup d'ongles, à coup de phrases aiguisées, à coup d'à-coup répétés. Je sais qu'il y a toute une vie gisant de vibrations derrière cette paroi transparente. Je sais que le soleil la gagne, que des sons et des ondes la traversent en tous sens et qu'elle peut se dépasser elle-même. Et pourtant je ne peux rien saisir. Tout vient à moi, me touche, qui repart et se dissimule en l'insondable avec la vague. La prédominance de ce silence peut noyer l'esprit. Le silence peut demeurer silence et juste crépiter dans le noir absolu sous l'action des mouches versicolores. Que son eau monte, fut-ce de quelques centimètres autour des chevilles, que le silence se brise ne fut-ce qu'un instant, que la poche élémentaire se fendille et laisse couler un filet d'eau vive et c'est le monde de la possibilité qui passe à travers le miroir en tirant vers le bas, en m'amenant vers le mortel, vers le conflit constant du vif qui commande. Le temps que prend le silence pour devenir parole est peut-être un prétexte au bon, mais il ne peut être qu'un bon prétexte. Tout n'est pas fait pour aboutir à du texte — moins encore à un Livre — et tous les textes n'aboutissent pas. Mais toute l'eau que je bois m'est nécessaire.