VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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jeudi 6 novembre 2008
ÉLOGE DE LA DÉRIVE
Ce qui n'a pas encore de nom ne va pas forcément vers ce qui en a. Les choses ne sont pas si simples, qui s'en vont vers ce qui n'est pas elles, sans savoir si elles auront ou pas de nom, mais qui, quand même, sera quelque chose. Quelque chose d'autre certes, où l'on entend geindre les possibilités d'un réel, d'un chaos en kit à monter soi-même. C'est là, en ce lieu nouveau, de l'autre côté que les choses — les mêmes et les autres —, commencent à s'organiser un peu en guise de cosmos indescriptible qu'un jour, quelqu'un, nommera peut-être "début de " ; mais ça, c'est une autre histoire. Tout bouge donc, tout le temps et peu importe dans quel sens. Le corps et l'esprit marchent main dans la main. Il y a des milliards de connexions. Il y a des tentatives, des zones d'approche privilégiées, des angles d'attaque où les mots sont plus à leur aise, plus à même de. Il y a des combats, des découvertes, des échos et des échecs successifs. Il y a des protocoles et il y a des fuites. Il y a des ex- et des implosions. Dans l'ombre, des querelles sans solde forgent ainsi ces colonnades que le futur, toujours, appelle des ruines. Sur toutes ces scènes, à toutes les époques et en tous lieux, la lumière varie comme un caractère. Les choses tournent autour des mots, qui à leur tour deviennent satellites. Nul ne sait dire ce qui est autre de ce qui est semblable, et rien ni personne n'est capable d'articuler la masse et le détail des choses. Les choses et les mots s'agitent avec un appétit sans fin, même si personne ne saurait dire de quoi il s'agit sinon d'une entre-dévoration, d'un carnage, d'un holocauste ? On n'est pas obligé de décrire ou décrier. On est pas obligé d'en parler. On n'est pas obligé de faire, de défaire ou de contrefaire, et on peut juste jouer avec les mots, dans un coin, comme un chat. On peut s'amuser sans rien savoir d'autre qu'on s'amuse. On peut marcher de travers sans l'aide de cette maudite béquille Intelligence. On peut s'avancer dans l'eau, dans cette page bleue de la mer étale, qui finalement ne ressemble à rien de précis, qui fatalement change sans arrêt, qui précisément ne s'arrête jamais, et nager ; flotter sur terre et se laisser dériver. Personne ne dit ou ne jure que l'on doive ! Mais on peut.