VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mardi 18 novembre 2008

DES RUINES MIROIRS



Que voulez-vous que je vous dise, les écrivains n'ont de cesse de vouloir savoir qui ils sont ? Ils ont ce travers de ventis, d'art penché dans le sens du vent le plus violent. Avec un acharnement précieux et une déontologie un peu crasse, toute l'Histoire des Belles Lettres se peut résumer à la déambulation d'un miroir le long du paysage littéraire ; pour ne pas dire poétique, disait Luigi Éden-Théa. Tout poète vit adossé à des ruines, à des bibliothèques en ruines d'airain. J'entends bien votre désapprobation déjà qui galope, disait-il. Je suis injuste pensez-vous. Je vais trop vite. J'oublie volontairement untel ou untel et cetera. Il y a quand même eu des études sur le sujet, des méthodes ; de la sociologie, des champs, des sciences, des chaires au Collège de France et cetera. Ce n'est pas de cela dont je vous parle. Regardez donc un peu autour de vous. Voyez un peu qui tient les rênes dans cette histoire, et qui est entré au musée. Combien de nos grands auteurs classiques se sont-ils laissés débordés réellement par l'extérieur ? Ah des histoires d'amour ! Ah des maisons de famille ! Ah des villes et des paysages ! Du pointillisme Oh-La-La… Mais combien se sont-ils fait dévoré par un gouffre, je ne sais pas… par une tribu, par une religion, par une langue exogène ? Par un véritable Alien, disait-il. Non, le fait est que les grands écrivains n'ont aucune imagination. Le mot roman, c'est avant tout une langue. Il y a sûrement des exemples, sûrement ! Mais il va vous falloir un bon bout de temps avant de pouvoir me sortir une liste. Les plus grands écrivains sont peut-être les grands historiens, les grands anthropologues je ne sais pas…

Éden-Théa sortit alors l'une de ses fameuses et fines cigarettes roulées qu'il appelait des "pénis de gorille", et il ne me parla plus jamais que de cinéma. De ce jour nous ne parlâmes plus jamais littérature — de la sienne propre moins encore —, et tout ce que je pourrais dire date, soit d'avant ce jour, soit d'une extension somatique de cette épiphanie négative…