VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


jeudi 20 novembre 2008

COGITO



— Les récits intérieurs d'un gardien de parking.

— Une vie souterraine. Lui, ne voit jamais le jour. La nuit est son jour, et le jour sa nuit. Vie de taupe humaine ( le so-leil est rare… et le bo-nheur aussi… Gainsbourg).

— Longue élucubration… Dérive mentale… Il part d'un détail minuscule, une plaque minéralogique, une couleur de carrosserie, un visage entraperçu à travers les vitres et il dérive… Un texte-éjaculatoire. Une implosion.

— Il y a des écrans de contrôle et des lumières basse-tension.

— Il n'a pas le droit de recevoir de visites. Il n'a pas le droit de téléphoner. Il n'a pas de portable. Il n'a pas accès à internet.

— Penser au personnage de Coluche dans Tchao Pantin. (Uniforme bleu pétrole. Des taches d'encre au bout des doigts. Les cheveux gras. La tête qui bout.)

— Il se masturbe souvent ; très souvent. Sous la table du bureau, tout en faisant son travail.

— Les animaux qui sortent la nuit. Les rats, les souris, les écureuils et les furets des villes… Tout un bestiaire à étayer par le récit. Rien que des dérives mentales pour le gardien.

— Un soir, une horde de chiens entre dans le parking. Chasse à courre dans les galeries souterraines. Vacarme des chiens. Ombres longues sur les murs. On découvre que le gardien porte une arme…

— Tous les bruits de la ville lui adviennent estompés… congestionnés… comme compris depuis le ventre maternel.

— Il ne lit que des journaux d'il y a un, deux, dix ou vingt ans que lui laisse en passant un commercial ayant ses habitudes dans le parking.

— Proximités des égouts. Tubulures. Humidité. Moisissures.

— Parfois il prend des notes dans un petit carnet souillé.

— Parfois il dort là…

— Penser au Hanta, de B. Hrabal ! Le fantôme de la solitude dans sa cave papivore.

— Relire Dostoïevski.

— Penser au Soutier de Kafka. Penser à Kafka.

— Ne pas trop penser !

— (…)