VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mardi 29 juillet 2008

REMARQUES SUR LA BLANCHEUR DE LA PEAU FÉMININE

— On ne peut que salir le blanc. Seul le blanc n'altère pas le blanc ; ou alors s'agirait-il d'un blanc extrême, supérieur ou égal à lui, et tirant sur le bleu comme parmi les hautes neiges et les icebergs dérivants. Le sperme de l'homme, par exemple, est singulièrement sale lorsqu'il se répand sur des draps immaculés, sur une céramique de salle de bains ou sur la fleur de la peau.

La mouche dans le lait, expression affectionnée par Georges Bataille ; Le Bleu du ciel.

— Les hommes aiment, et sont fascinés. Ils aiment aimer et ils aiment être fascinés, ce qui les force à ne pas penser. L'affect, le désir voire la fascination sont caricaturés par ce besoin de blancheur jaillissant tel un besoin de marquage. Une nécessité sourde de marquer son territoire, de s'inscrire dans le corps de l'autre, d'écrire sur sa peau le signe d'une appartenance, d'une dépendance, d'une soif d'absolu niant la flèche du temps. C'est du moins ce dont il s'agit dans le film de Peter Greenaway : Huit Femmes et demi, et surtout dans le chef-d'œuvre de Yoichi Takabayashi : La Femme tatouée, où la peau éligible d'une jeune femme devient le testament d'un maître-calligraphe quand, parallèlement, l'amant de celle-ci écrit de manière compulsive livre sur La Neige… qui finira d'ailleurs dans les flammes.

— Les femmes chez Kawabata : Pays de neige, Les Belles endormies, Tristesse Et beauté, etc.

—Le visage des actrices dans les films de Wong-Kar Waï, filmés comme des paysages.

— L'art traditionnel du maquillage chez les Geishas et chez les acteurs de Kabuki interprétant des rôles de femmes.

— Kafû, Dazaï ; la représentation des fantômes, la proximité des saules pleureurs et la présence de la mort.

— L'exemple ironique et symptomatique de l'écrivain-voyageur dans Mokusaï, de Cees Notebaum.

— Les auteurs cuistres et/ou naïfs : Pierre Loti, Claude Farrère, J.P Toussaint dans Faire l'Amour, Olivier Rolin dans Suite À l'hôtel crystal etc., ( la liste est longue ).

— Cette blancheur de la peau étant une symbolique du corps entier — c'est-à-dire d'un corps incluant et comprenant au sens presque mathématique du terme l'âme même — c'est aussi une petite mythologie de la virginité apparente, de la pureté sans tâche quasi préhensible par les sens toujours en éveil de l'homme, éternel chasseur-cueilleur. Des yeux jusqu'aux mains en passant par tout le reste, la blancheur de l'âme est censée transpirer par les pores épidermiques de la femme comme pour d'autres par les yeux. Y compris dans la maladie, dans la déchéance et la proximité physique avec le cadavre, la blancheur est louée même si elle brille dans le caniveau. Devenue presque diaphane, la fantomatique Dame aux camélias, est une pure courtisane, dont le corps et l'âme sont les souillures chéries des hommes et ce, jusque dans l'exhumation du tombeau et la blancheur absolue du squelette.

—L'exemple de Conrad, dans sa nouvelle Le Retour, où il évoque le pouvoir fascinant de la femme du narrateur, dont le visage est d'une blancheur extrême.

— Les Belles Romaines, qui allaient jusqu'à se frotter le visage avec du crottin de cheval — dans Pline ? — pour avoir le visage plus blanc, plus marqué et plus différencié que les autres parties du corps.

— Le contraste factuel puis érigé en symbole entre le corps hâlé du peuple féminin travaillant à l'extérieur, et le blanc quasi artistique de celles vivant renfermées dans leurs chambres et salons.

— Fanny Ardant, nue ; à contre-jour dans une courte scène de Ridicule, de Patrice Leconte.

— La mode des poudres et des talcs depuis la Renaissance et jusqu'aux années folles, en passant par Versailles et le Directoire ( Les Incoyables et les Méveilleuses…)

— Masques.

— Théâtre.

— Dessin.

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