VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


jeudi 26 mars 2009

TENTATIVE DE DESCRIPTION



Au premier plan, le sable est assombri par les traces de pas. Il a été martelé toute la journée, et il occupe un bon cinquième de la vue. À la frontière des deux éléments, le mouvement de la mer est saisi par l'ourlet d'une petite vague, qui se replie sous elle-même en laissant l'ombre parfaite d'une lèvre sur le sable humide. Quelques mètres plus loin se dresse le personnage principal de la scène. Il est presque au milieu de la vue, il porte une partie du paysage sur ses épaules, sur sa tête et dans, sa tête. Il a de l'eau jusqu'à la taille ou presque, et l'on se demande ce qu'il fait là. La forme de son corps, la présence muette de son dos posent tout un tas de questions. Va-t-il nager par exemple ? Va-t-il partir et revenir ? Va-t-il vivre, va-t-il mourir…

Au second plan, une nouvelle vague est déjà là, qui ourle et menace la précédente. Fermement arrimée dans tout le sens de la largeur, elle barre en deux la dimension de la baie. La surface de la baie est couverte d'une peau bleue animale, vibrante et uniforme qui peine à l'accroche des derniers rayons du jour. À droite, ce godillot maçonné n'est que l'amorce d'un édifice militaire induisant l'idée de glacis ; point de vue, stratégie, ennemis où le vent se plaît toujours à chanter. Sur la gauche, cette poitrine asymétrique couverte de pins et de cyprès, et dont on l'œil éloigné est incapable de savoir s'il s'agit véritablement d'îles ? Même si villas, hôtels et autres bâtisses y sont à la fin déchiffrables. Aux pieds de cette hypothèse féminine et géographique, minuscule, blanc : un bateau de plaisance est au mouillage. Plus au large, au bout du godillot, la barque de pêche d'un vieux pécheur —pourquoi vieux ?— est déjà prise dans le filet de la nuit. Plus loin encore, quelques bouées semblent indiquer l'entrée de la baie à moins qu'il ne s'agisse d'écueils saillants plantés dans la lumière morte. Enfin, le dernier quart de la vue consacre le ciel et ses ébats oarystiques avec le soleil. La ligne d'horizon flotte entre deux bleus, derrière lesquels le monde entier, bascule.

Dans la profusion du soir, néanmoins, une trame violette —indescriptible— transparaît en filigrane et monte horizontalement vers le personnage et vers nous.

On dit ici que : Le ciel vient de prendre sa très précise couleur de prune…