VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mercredi 18 février 2009

SAINT-GEORGES, LE DRAGON ET LES DIDASCALIES


— Non mais franchement ! Tu peux me dire qu'est-ce qui peut rivaliser avec une terrasse de café ? Tu peux mle dire ? Littérairement, jdis ! Hein ! Y'a pas mieux non ! Y'a pas plus grand non plus ! C'est ltop et pi c'est tout. Une terrasse de café c'est comme le plus grand roman du monde ! À ciel ouvert en plus. Dla poésie sonore, dla poésie concrète, dl'art du roman, dla question du réalisme, dla littérature à contrainte, dl'exigence de dialogues, dla psychologie des personnages… Tu vois ? Et une forêt de gestes humains, un carnaval des visages… Tout tout jte dis ! ( hautain ) Tout est là mon vieux, t'as plus qu'à remballer tes gaules.

— Et…

— Non non ! Tu peux yaller ! Tu trouvras pas mieux c'est tout…

— Et…

— Non jte dis ! c'est comme ça ! Tu pourrais rester des heures à rgarder à écouter à mentalement dessiner des dizaines de personnages pour tes bouquins et tout… Quoi tu les vois pas toutes ces têtes, tous ces fragments existentiels, toutes ces micro-planètes en orbite autour de la terrasse, autour de ta propre tête à toi ? Y'a des jours entiers à y passer, à y questionner tes sens et à y apprendre… à vérifier à contredire à recouper à monter et à descendre en toi-même comme un bon gros ludion… Y'a des années qu'est-ce que jdis ! Y'a des siècles accumulés en couches dans le pré carré d'une terrasse de café… Des neiges éternelles à gravir par l'horizon des oreilles… ( un peu fier de lui ) C'est infini mon vieux ! Tout simplement infini ! C'est profond comme la mer… C'est… C'est comme la Bible…

— Et…

— Non y'a rien à voir ! Y'a rien à regarder d'autre mon vieux ! Quand jpense à tous ces livres… À toutes ces pages inutiles… Quand jpense à tous ces arbres abattus…( pensif ) Abattus en vain pour quoi ? Hein ! Pour des écrits valant pas tripette et qui… Non vraiment c'est pas possible ! Mais putain mais sortez de votre bureau puant le rance et sortez vous installez à une terrasse de café… Sortez de chez vous les mecs et sortez vos calepins qu'est-ce que vous attendez ? Tu prends un magnétophone, je sais pas moi… Non tous ces arbres abattus là, pour rien ! Pour rien jte dis ! Y'avait qu'à s'installer à une terrasse et c'était tout…

— Et…

?, ( l'air morose, abattu. )

— Et si… Jveux dire… Et si elle vide… ta terrasse…

( … )