J'aimerais pouvoir manger un animal sauvage de la tête aux pieds. Un animal en entier, comme on avale une banane ou une tablette de chocolat... J'aimerais pouvoir le faire, au moins une fois, cet exploit inutile, loin des regards des Hommes et de la morale des villes... Seul, tout seul avec un animal mortifié, dans une ferme abandonnée, sur une terre battue ensanglantée de sombre et fertile en rêveries naturelles... Mais pas dans une boucherie ou dans un abattoir non ! parmi l'avalanche fixe de leurs grands carreaux blancs plus blanc que la peur... Seul, mon animal et moi, en tête à tête, avec pour seules compagnes quelques mouches noires et absconses tournoyant sans cesse au-devant de longs tubes bleu acide et mortifères... J'aimerais ça oui ! de croquer ses os jusqu'à la moelle, de m'engouffrer crues toutes ses viscères comme un primitif, et de gober ses yeux comme des friandises, et de rogner ses pattes, de mâcher ses muscles, et, attendrie par mille coups de crocs, de sucer lentement le velours de sa peau jusqu'à l'aube... J'aimerais pouvoir le faire d'un coup d'un seul ! comme on trace un poème avec son sang, comme on peint une toile avec sa faim, comme on brise un miroir avec sa propre image... Je ne sais pas pourquoi je pense à ça soudain... Je ne sais même pas si c'est si soudain que cela, et si au contraire ce n'est pas présent en moi depuis longtemps ; depuis toujours même... Peut-être avais-je besoin de le confesser, comme on raconte un rêve ou avoue un crime... Robert L. Stevenson écrivit Docteur Jekyll & Mr. Hyde au long d'une seule, d'une même, d'une insomniaque et criminelle nuit... Je ne sais pas si c'est vrai ? mais ce que je sais en revanche, c'est que lorsque je n'arrive pas à dormir, j'aimerais bien oui, pouvoir avaler d'un coup toute la nuit ; et l'amour qui la hante.
VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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