VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES

Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
L'ART DE SE TAIRE
Une lèvre découpée à coup de ciseaux, collée-coagulée au bout de l'index de ma main droite et prête à danser, toute seule, son baiser manqué de papillon comme une aile au bord des flammes, est éperdue là, hors de moi, à la recherche d'une sœur jumelle amnésique qui continue de s'exprimer sur tout le reste de la surface de mon corps, lentement, goutte après goutte, tel un fruit exotique au jus doux amer et rouge fusionnant avec menton cou carotide gorge plexus solaire avant que de dériver tout autour de mes organes sur la pente joyeuse de ma panse, petit fleuve d'alkermès creusant son lit dans le vide et plongeant dans les entrailles de l'instant avec la plus profonde des mélancolies, celle dont les piles touchent à chacune des extrémités contraires du temps, écartée - écartelée par la puissance du verbe haut, par la bouche et la langue pendue qui veut toujours s'ouvrir, qui a toujours quelque chose à dire et finit toujours par retomber, par se refermer sur l'ombre et la source même de la gravité terrestre, chercher et trouver ayant la même origine, ils ne peuvent que s'éloigner se séparer puis se haïr un jour à coup de mots de poings ou de malencontreux ciseaux … oui je sais on parle toujours trop ! et d'ailleurs je n'y reviendrai pas, disait Luigi Éden-Théa.