VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mardi 4 novembre 2008

LAISSEZ-MIROIR

Le voisin de palier je ne le suis pas non plus, disait Luigi Éden-Théa. C'est pour ça que ce n'est jamais moi que je croise dans l'escalier, ni lui que je voie lorsque je regarde ma photo. Sauf une fois ! une seule et unique fois qui me glaça net le sang. C'est le jour où j'ai bien cru que c'était lui, là, dans le miroir de ma chambre, disait-il. Vu que c'est tout à fait impossible — je ne suis pas fou tout de même —, j'ai aussitôt pensé qu'en vérité, c'était lui qui me voyait dans son miroir et que, dans son émoi, il avait renversé l'étrange situation en ma faveur. C'est moi qui était chez lui et non l'inverse, dans sa chambre son œil et son cerveau ; ce qui était plutôt rassurant. J'étais le conquérant et non le conquis. Phénomène ondulatoire indéfini — comme lorsque l'on se réveille quelque part en se demandant, durant d'infinies secondes suspendues au plafond, si l'on est chez soi ou bien ailleurs, chez papa-maman ou dans un souvenir d'enfance, un hôtel, à tâtonner du bout des doigts, pour mieux se rassurer les bois du lit-existence (Proust) —, disait Éden-Théa : N'était-ce pas moi, qui m'était malencontreusement glissé dans son armoire à glace, au milieu de sa chambre, au lieu du contraire ? Je décidai d'en avoir le cœur net, et de franchir le premier pas de la première porte à gauche sur mon palier.
C'est ici que commence mon histoire, disait-il.