
(image d'Emmanuel Georges)
Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune. Arrivé tard sur la plage, l'homme s'est endormi dans la paume tiède du dernier rayon de soleil. À son réveil, elle est calme. Ses vagues ondulent et se gomment l’une l’autre. Il remarque ici ou là, dans tout ce sombre abrutissant — ce bleu céleste sans ciel —, que les vagues se lèvent de plus en plus abruptes qui entaillent jusqu'au ciel. De temps en temps, d’espace en espace et du plus profond de son rythme alphabétique, l'une de ces larges lames vient éclater sur la grève en effondrant ses reflets métalliques chapardés à travers une carrière hauturière.
Il fait presque nuit. Recrachant brusquement ici, une humeur virulente contractée au-delà de l'horizon, c’est enfin le vent du large qui donne de la voix, et semble pousser la mécanique maritime dans ses tous derniers retranchements. Le paysage entier s'emballe comme une horde de chevaux sauvages. Sorties par dizaines du sable crépusculaire, les puces de mer font onduler la plage comme un cadavre aux prises avec la succession des mouches et des vers multicolores. L’imitation est parfaite. Le corps tendu de la grève se fait chahuté de l'intérieur et de l'extérieur. Son agonie parait aussi violente que douloureuse. La mer rappelle la mer. Et sa mort est éternelle.