
(image d'Emmanuel Georges)
Le ciel vient de prendre cette très précise couleur de prune, et la surface de l'eau son pelage animal, sa peau de poisson aux écailles célestes qui n'est que la surface des choses, la couche supérieure et apparente qui dérobe la réalité, déborde les mystères maritimes et dévore les êtres de manière insondable par à-coups d'abîmes transversaux qui avancent et reculent selon une rythmique de chant préhistorique et sous-marin, swinguant parmi les squales gris les mammifères bleus et les monstres noirs des grandes profondeurs ; mais aussi parmi les coques rouillées les mâtures brisées les trésors oubliés et les squelettes de marins de toutes les nationalités, enchevêtrés et ondoyant sous le roulement permanent et euphorique des sources horizontales des vagues, sous la nasse diluée des courants marins des courants obliques, les courants aveugles inconnus des géographes qui ourlent le cosmos comme des satellites et dérivent en nœuds coulants autour de nos globes oculaires sertis d'embrun sur la grève.