Même roulé dans la farine ou trempé dans l'huile dont on évacue ensuite le surplus en en pressant la chair entre ses doigts, on ne peut pas le cuire à même la poêle, l'Amour. On ne peut pas le manger avec de l'ail et du persil, ou y mettre du citron l'Amour. Et pourtant on en garde souvent l'odeur sur les mains, comme l'odeur vive des sardines qui vont en ban dans le vaste océan alors que lui, l'Amour, il est tout seul il est toujours tout seul. C'est un poisson solitaire, un poisson-lune, une étoile de mer. Et même s'il est bien sûr qu'ici ou là les Chinois, les Malais et tous autres îliens inconnus de mon cortex à cet instant précis, il faut dire qu'il ne se cuisine pas à l'huile comme les sardines ; c'est tout.
Parce que, après le repas grillé, après le barbecue et sa passion poétique pour les ciels lavés et le grand air, il n'en reste rien des sardines ! Plus rien juste l'odeur. Une odeur de brûlure et bientôt ses rots. Et même si c'est une odeur tenace sur la peau, comme l'ail ou le citron mûr, oui d'accord comme l'Amour qui colle aussi, faisant de la chair un poème à lire et à délire en forme de preuve, et reste accrochée bêtement dans les cheveux ou les plis des vêtements, l'Amour reste après l'Amour et même quand l'amour de cet amour a refermé derrière lui, la porte. Il reste dans les marges. Il se dépose comme de la poussière. Il continue, il dure et attaque au ralenti la plaque de cuivre. Dur à digérer l'Amour, capable de prendre, aussitôt né, toute la mesure de ces puits infinis gisant dans l'enveloppe charnelle d'un être construit comme une passoire. Il ne s'échappe pas toujours par la fenêtre comme les odeurs de cuisine. Il n'est toujours pas le jouet du moindre courant d'air. Oui et non ce n'est pas une sardine même si, parfois, il lui ressemble l'Amour. Ondulant sur la page bleu-argent de la marée, vont et viennent, dans les ports du monde entier, des millions de bateaux de pêche qui portent son nom.
VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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