VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


lundi 22 septembre 2008

LE COMPLEXE DU TITANIC

La vérité est toujours subversive. Et la pire des vérités est toujours la réalité. Le corps et son enveloppe mentale butent et luttent contre le bloc de la réalité, en croyant pouvoir le faire exploser comme une vitre. Mais les éléments de la réalité sont là en cercles inégaux, qui la pourtourent et sur lesquels on finit toujours par trébucher. Non ! ce n'est pas l'aube, dit Juliette ! C'est le rossignol qui chante ! Et cette nuit ne fait que commencer ! Lui sait bien que c'est l'alouette qui chante le jour, mais il est prêt à mourir pour l'amour de Juliette.
La fiction que l'on se fait n'est jamais aussi criante que la fiction que l'on nous fait. C'est la fonction des œuvres — petites ou grandes — que de nous prendre par la main et de nous montrer ces pierres coupantes comme des brisants tout autour du pôle, de ce feu central dont les flammes ne sont pas celles, plus froides, du songe. Chacun sait que la vie n'en est pas un, mais tout le monde aime rêver. On aime croire à ses pouvoirs magiques, à son irréalité fondatrice et infinie comme l'idée mal comprise du progrès. Pouvoir naviguer dans son existence comme un bateau insubmersible parmi les glaces et les saisons. Les illusions pseudopodes de la fiction nous prennent par les sens, par les organes et les arcanes du cerveau pour, sans cesse, nous ramener dans le cercle vertueux de la réalité ; ce puits dont nous savons tous la matière et la structure fondamentale. Quoi de plus concret que l'artifice d'une canne — que l'eau peut briser —, pour s'appuyer sur le sol en avançant ? La réflexivité des œuvres — grandes et petites — est toujours vraie. Leurs échos en nous, sont toujours vrais. Comme les lois économiques ou celles de la météorologie, elles sont vraies. Elles sont, tout simplement.