On ne quitte jamais la terre. Cette boue dont nous sommes faits, et qui est aussi celle des murs des anciennes maisons où nos parents sont nés, disait Luigi Éden-Théa. Les murs et les parois courbes des poteries, les socles invisibles des plantes, la manne terrestre des fruits et légumes. La boue dont nous sommes issus nous appellent sans cesse au long de la vie, disait-il. À chaque bouchée, à chaque gorgée d'eau, à chaque pas elle se rappelle à nous cette boue, jour après jour et jusqu'au dernier. Elle est ferme et définitive, plastique et ouverte comme la bouche même. Au moment de s'endormir dans l'édifice frais du lit, au bord de la zone des métamorphoses, des chromatismes et des tentations, j'ai parfois le goût de cette boue dans la bouche, disait Éden-Théa. Une poignée de terre… Des poignées de terre accumulées croulent et rebondissent sur le bois verni de mon cercueil.
Je m'endors toujours ainsi, au fond d'un puits d'eau sombre où finit par percer une source minuscule, une architecture qui grandit et d'où jaillit une eau plus claire, dardant ses rayons comme une étoile du matin, disait-il.
VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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