Il y a une expression que j'entends souvent, et qui m'écorche l'âme jusqu'au tréfonds, disait Luigi Éden-Théa. C'est lorsque j'entends dire — ou plutôt claironner — : Oh moi vous savez, je n'aime pas me plaindre et d'ailleurs, je n'aime pas les gens qui se plaignent ! En omettant sciemment le fait que, la plupart du temps, lesdits gens ont une bonne et subjective raison de se plaindre, on se doit de constater à chaud que cette assertion douce-violente, pleine de volonté de puissance, de morale bourgeoise et de haine des plus faibles, n'est en vérité rien d'autre qu'une plainte, disait-il ! Mais c'est une plainte déguisée, dont la connotation l'emporte sur la dénotation comme dans la publicité fourbe et le message politique entrelardée de "petites phrases" masquantes.
Il ne faudrait pas me pousser beaucoup, disait-il, pour imaginer dans quel sens peuvent bien aller faire leur devoir électoral ceux qui, n'aimant pas les gens qui se plaignent, n'aiment donc personne pas même leur reflet dans le miroir de l'autre. La haine des faibles est une haine des autres, c'est-à-dire une haine de soi qui ne fait qu'attendre patiemment son tour. Cette haine prend de nos jours les aspects sélectifs d'une haine de la pauvreté, qu'elle soit morale ou pécuniaire. Le rejet du sans-domicile, du sans-papiers, du sans -emploi, du sans je-ne-sais-quoi est une peur prégnante du vide. Nous dansons tous sur un volcan, disait Éden-Théa. Car il y a toujours, au coin de la rue, cet être honteux, cet homme infâme, ce plaignant muet, clodo, rom, ou petit branleur nous renvoyant au spectre qui hante la société de consommation, et qui n'est autre qu'une consommation boulimique et anthropophagique de la société. Georges A. Romero, et ses films de Zombies nous le disent depuis longtemps déjà, disait-il ? Cette escroquerie oniro-américaine a le visage d'un Carnegie, d'un Dupont de Nemours ou d'un J.F Kennedy par exemple. Elle a le visage de James Dean dans Géant, celle de Un homme dans la foule de E. Kazan. Elle a le visage d'une idéologie noire parfois teinté de brun disait-il, celui d'une gomme à effacer les visages des personnages des romans de Steinbeck.
Tout le monde ou presque veut se hisser au haut de la pyramide, disait Éden-Théa, afin de balayer — ne serait-ce que du regard —, le reste du monde entier considéré comme des restes. Et voilà comment l'on nous gouverne comme, l'on nous gouverne aujourd'hui. Être "tout en haut"et tout le monde sait ça, c'est l'être au détriment de tous les autres, de tous ceux à qui on laisse croire que la porte est ouverte… que la place sera libre un jour… et que, demain, ensemble, tout devient possible !
35 heures, remboursements médicaux, Droit du travail, Droit des prisonniers, Droits de l'Homme, immigration choisie, braderie des Services Publics, emprise médiatique, asservissement des Parquets et des Préfets, maltraitance de la Constitution, copinage institutionnalisé avec les grandes fortunes, priorités gouvernementales ( la chasse aux clandestins, le nucléaire, l'augmentation de la durée légale du travail) etc., etc., tout cela va dans un seul et même sens : celui de la haine des plus faibles que soi, c'est-à-dire de la majorité quasi silencieuse des masses populaires qui, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire depuis certaine chute de certain mur, n'ont pas disparu. Ceux qui nous gouvernent, ici et maintenant, nous détestent cordialement et ils ne s'en cachent pas. Leurs sourires confits de réforme et de droiture se répand allègrement jusque dans nos rêves ressemblant à des journaux télévisés. Mais c'est précisément là, qu'ils nous touchent le plus disait-il ! Dans le modèle précis et rejoué de cette haine des faibles, des pauvres et de tout ceux qui se plaignent. Ce n'est pas pour autant que nous les aimions, mais bien pourquoi, paradoxalement, trop souvent nous les élisons.
VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES
Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…
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