VAGUE DE PAPIER SUR LES CORRESPONDANCES ÉLECTRIQUES



Tout a une faim. Et j'ai une bonne demi-douzaine de chiens aboyant-famine aux crocs longuement plantés dans mes mollets. Je suis en colère. Contre moi-même. Je passe mes jours dans la jungle électrique à retourner ma tête dans tous les sens ; le mot de torticolis n'ayant plus le moindre sens pour un cortex défaisant sans trêve la nasse grise de ses méandres. Je vais rentrer sous ma tente. Et peu importe que j'y découvre un désert plutôt que des tentures achéennes et des coussins moelleux… Il n'y a plus de secret. Je dois retourner mes miroirs et entrer méthodiquement dans la nuit. Depuis quelques mois déjà, les espions de La Société Universelle de la Fiction enquêtent sur mon sujet. Leurs rondes silencieuses ont porté leurs pas jusque dans mes rêves sourcilleux, et je crois entendre des murmures et des sons électriques de l'autre côté du mur. Je crois qu'ils se penchent désormais sur mon épaule, comme des anges déchus ou des fantômes. Et ce n'est rien de dire que le sang frais de ce lieu se voit menacé d'ores et déjà d'un crime microbiologique… Le jour précis de son premier anniversaire, le blog du correspondancier est donc menacé —tel un récif corallien près les côtes australiennes— par un immodéré et immérité retour à la fiction, au papier, aux savanes d'encres, aux savantes ratures et aux mille et uns cafés. Il y a désormais un grand péril de déperdition uni-globale de diversité biologique en germe parmi ces lignes, et mes stocks de résistance diminuent à vue d'œil comme ce silence grandit. Nul ne peut dire si quelque prurit électronique fils de l'addiction et de la désinvolture ne me forceront pas la main dans le sens d'épisodiques retours ? Comment savoir. Le pire n'est pas toujours sûr. Néanmoins, ma voix ne sera longue que dans le désert blanc, et je ne peux laisser pour l'instant qu'un souci d'explorateur à mes fidèles lecteurs. Acceptez donc parmi mes remerciements sincères, cet indéfinitif claquement de porte, et les modestes clics spatio-temporels qui vont avec. À bientôt donc, ici ou là…


mercredi 23 juillet 2008

PSYCHO-CHEVAL

Je ne veux pas avouer, disait Luigi Éden-Théa. Je ne veux pas avouer parce que je ne me sens pas coupable. Mon histoire n'est pas un tribunal, et mes traumatismes n'ont pas besoin de se déguiser en noir et rouge tels des procureurs dans le seul but de faire peur. Je ne veux pas aller chez le psy-cialiste… Le docteur de la tête ni le curé ni le marabout ni l'homme-médecine ni le chaman rêveur ni le sage boiteux rencoigné dans sa masure de pisé aux portes du désert.

Je ne veux pas boire de potions magiques ni de l'eau sacrée. Je ne veux pas manger d'abats vifs ni vomir des nages de maux vermiculés par le sang de mes entrailles, disait-il. Je veux tout garder pour moi. Je veux rester moi. Je veux rester l'unique source de ça, la mère même de tout ce qui me touche, me bouleverse, me blesse et m'empêche de dormir ; parfois jusqu'au bord de la folie.

Les cavaliers moghols ne descendent jamais de cheval. Ils naissent, vivent, mangent et dorment sur leurs sacrés petits chevaux. Au bord de l'évanouissement, prêts à mourir de faim comme de soif, ils entaillent alors au couteau le col de leurs montures, se penchent en avant et, sans descendre, se rassérènent d'une courte et infinie goulée de pourpre chevaline, disait-il.